Arctic LNG 2 : Contraint par la mobilisation citoyenne, Emmanuel Macron ne soutiendra pas TotalEnergies cette fois-ci

December 01, 2021

Paris, le 1er décembre 2021 - La France ne soutiendra finalement pas Arctic LNG 2, le gigantesque projet gazier de Total en Arctique. Les Amis de la Terre France, SumOfUs et 350.org saluent la mobilisation qui a conduit à cette décision. Les organisations appellent toutefois à la vigilance : la politique actuelle en matière de garanties à l’export permet encore à l'État français de soutenir d’autres projets d’extraction et de combustion d’énergies fossiles.

En septembre 2020, le journal Le Monde révélait que la France s’apprêtait à soutenir Arctic LNG 2, un projet gazier de TotalEnergies en Arctique russe, grâce à une garantie à l’export [1] de 700 millions d’euros [2]. Au cœur d’une région qui se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la planète [3], ce projet produira près de vingt millions de tonnes de gaz liquéfié (GNL) par an et profitera de la fonte des glaces pour exporter sa production en Europe et en Asie par la route maritime du Nord. L’extraction d’hydrocarbures et la construction des infrastructures associées dans un écosystème aussi fragile ont également de graves conséquences sur la biodiversité.

Le 30 novembre, TotalEnergies a  annoncé que l’ensemble des financements nécessaires avait été levé [4]. Alors que le gouvernement entretient le flou sur sa décision depuis plus d’un an, Bpifrance n’a finalement pas accordé de garantie à Arctic LNG 2. Cette décision n’est pas anodine. Anna-Lena Rebaud, chargée de campagne aux Amis de la Terre, analyse : « Le retrait de la France d’un tel projet est un signal fort. Emmanuel Macron admet indirectement que continuer à extraire du gaz est problématique pour le climat et la biodiversité. Ce faisant, il désavoue sa propre politique adoptée en 2020 qui permet à la Banque Publique d’Investissement de soutenir des projets d’exploitation gazière jusqu’en 2035. »

Selon l’Agence internationale de l’énergie, plus aucun investissement ne doit aller à de nouveaux projets d’hydrocarbures, y compris le gaz fossile [5]. Pour envisager le moins pire des scénarios du GIEC et ne pas dépasser une hausse globale des températures de 1,5°C, il faut impérativement laisser les hydrocarbures là où ils se trouvent, dans le sol. 

Lors de la COP26, la France s’est engagée aux côtés de 38 pays et institutions à cesser les soutiens aux projets d’énergie fossile, avec des exceptions. L’efficacité de cette déclaration historique dépendra de la rigueur de sa mise en œuvre [6]. Le gouvernement doit suivre l’exemple du Royaume-Uni, qui a déjà mis fin aux crédits export aux projets d’hydrocarbures, et mettre en place un plan de transition du secteur parapétrolier et de reconversion pour ses salariés.

Cette victoire intervient après plus d’un an d’une campagne sans relâche, menée par les ONG et citoyens auprès du gouvernement et d’Emmanuel Macron face à cette aberration climatique et environnementale [7]. En mai, la mobilisation avait abouti à la remise d’une pétition par SumOfUs, 350.org et les Amis de la Terre France au gouvernement [8].

"Encore une fois, la mobilisation citoyenne porte ses fruits face à un gouvernement adepte des renoncements devant l’urgence climatique, déclare Leyla Larbi, Responsable de campagnes chez SumOfUsNous remercions les plus de 240 000 membres de SumOfUs et 350.org à travers le monde entier qui ont porté cette campagne, à la fois en interpellant les décideurs et en apportant leur soutien sans faille lors de nos actions en ligne et devant le Ministère. Le recul du gouvernement sur ce projet, ne doit cependant pas faire oublier les transformations concrètes nécessaires pour mettre un terme définitif au financement de tels projets climaticides."

Isabelle L’Héritier, porte-parole pour 350.org, conclut « Depuis 50 ans Total choisit sciemment de protéger ses bénéfices au détriment du climat et des droits des peuples. Ce projet abject est la preuve qu’il en va toujours de même, et la France se devait de ne pas s’engager dans son financement. Ce retrait officiel de la France est un pas en avant, et maintenant nous avons besoin d’engagements conséquents pour les autres projets de Total. Les banques et institutions financières publiques et privées doivent couper les vivres à TotalEnergies, et à l’industrie fossile ! »

Notes

[1] En  effet, via Bpifrance, la banque d’investissement publique, la France peut se porter garante des financements accordés par les banques privées et les investisseurs à des entreprises françaises jugées stratégiques. Depuis 2009, l’Etat a ainsi garanti des projets gaziers et pétroliers à hauteur de 9,3 milliards d’euros (voir ce rapport, p.9).

[2] “La France pourrait soutenir un gigantesque projet gazier dans l’Arctique russe”, Le Monde, 2 septembre 2020.

[3] “Arctic Climate Change Update 2021”, Arctic Monitoring and Assessment Programme (AMAP), 2021.

[4] “Russia’s Arctic LNG 2 agrees loans worth 9,5 billion euros”, Reuters, 30 novembre 2021.

[5] “Net Zero by 2050”, International Energy Agency, mai 2021.

[6] Voir la lettre adressée par 56 organisations de la société civile aux signataires de la déclaration.

[7] “TRIBUNE. L’Etat français doit cesser son soutien à l’exploitation gazière en Arctique”, 26 février 2021 ; Voir également la pétition lancée par SumOfUS.

[8] Fonte des glaces à Bercy pour dénoncer le soutien de la France aux projets de Total en Arctique, 20 mai 2021